The Dream of Shahrazad : un récit enchanteur des Printemps Arabes

the dream of shahrazad

Présenté hors-compétition au FIFDH, le documentaire de François Vester offre une lecture
passionnante des événements qui ont secoué l’Égypte et la Turquie en 2011. Il va à la rencontre des artistes pour entendre leur ressenti et leur implication dans cette période. Un point de vue original qui replace l’Art au centre de la Société.

Un chef d’orchestre engagé, une jeune Youtubeuse en recherche existentielle, une troupe de conteurs ambulatoire, un dessinateur obsédé par l’image de la princesse Shéhérazade : tous se posent la même question. Quelle est leur place dans la société, et quel l’intérêt social et politique que leur art pourrait lui apporter ? François Verster suit leurs périodes de création avant, pendant et après les violences du Printemps Arabe. Le réalisateur sud-africain choisit un fil rouge métaphorique et bien ancré dans la culture arabe : la princesse Shéhérazade qui racontât pendant 1001 nuits presque autant d’histoires, de chants et de réflexions au cruel et despotique sultan Shahrija. Dans The Dream of Sharazade, les artistes sont ainsi assimilés à la princesse qui s’exprime librement face à la tyrannie.
Un documentaire au rythme de Korsakov
Au gré des événements et des rencontres avec les artistes, François Verster écrit l’histoire du peuple égyptien et turc en quatre volumes. Naturellement, The Dream of Sharazade
commence par « Il était une fois ». Viennent ensuite « les histories de changement », puis ce qu’il en reste « après la bataille ». Contrairement aux 1001 Nuits originelles, le documentaire veut imaginer ce qu’il se produit après que la princesse a raconté toutes ses histoires. Aussi présente-t-il une dernière section : « Book Four : le futur du Saltan Shahrija ».
Tout musicien qu’il est, François Verster fait coïncider ce découpage littéraire à celui des
quatre mouvements de la suite symphonique du Rimsky-Korsakov. Au-delà de la frontière
culturelle, le compositeur russe fut également inspiré par le mythe de la conteuse royale qui sauva son peuple des cruautés du sultan en imaginant la partition de Sheherazade opus 35. L’interprétation qu’en donne l’orchestre philharmonique jeune national turc conduit
entièrement le film. La bande-son en allegro donne aux images d’archives des émeutes et les actes de révoltes un ton à la fois dramatique et d’une violence extrême.
L’engagement de l’artiste
Face caméra, les artistes se posent des questions existentielles liées à leur position
traditionnellement marginalisée et les tensions politiques de leur pays. Un acteur égyptien
confie ainsi avoir été bouleversé après les manifestations de 2011 : « J’ai eu l’impression que les gens normaux s’exprimaient mieux que moi, mieux que les artistes ne pourraient jamais le faire. A quoi donc puis-je servir ? » D’un autre côté, le directeur de la troupe de conteur explique avoir « enfin l’impression d’appartenir à une société ». Avec ses comédiens, il va à la rencontre du peuple égyptien afin de raconter de l’intérieur son histoire pendant les révoltes. The Dream of Sharazad expose ainsi comment ces troubadours du Proche Orient contribuent à faire circuler les idées démocratiques et un esprit de liberté malgré le régime d’oppression. Autant de témoignages précieux qui exposent la créativité sous les dictatures.
Sans nier la difficulté de la situation en Turquie et en Égypte, le documentaire est plutôt
optimiste. Le chef d’orchestre, qui anime depuis 2007 une université d’été « démocratique » auprès des jeunes musiciens, les stimule en des termes forts : « En tant que musiciens, vous avez le pouvoir de changer la vie des gens en trois minutes. »
Il en faudra 170 de plus à François Verster pour changer la nôtre. Du moins, est-ce là son
souhait, comme l’expriment ces vers de conclusion : « Écoutez, car cela ne risque peut-être de ne jamais arriver ; Écoutez car c’est le seul rêve qui demeure. »

 

Découvrez la bande-annonce :

Pour trouver une séance, rendez-vous sur le site du FIFDH.
Marie-Lucie Walch

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